Un père pour son fils!

3be0bab9-b75d-4faa-b5a1-c9e4d646dd88Le 18 mai dernier, mon fils Hugolin est né à 7 mois de grossesse tout juste. Ça a dut être une césarienne d’urgence, ce qui fait que je n’ai pas pu y assister et encore moins soutenir mon épouse qui allait se faire couper dans sa chaire. Le pronostic n’est pas bon, Hugolin bradycarde (son petit cœur bat pas assez vite) et moi j’attends dans la salle de réveil à côté. Vous imaginez bien que je suis resté bien tranquille dans la salle à attendre, la dalle du couloir pour amener aux salles d’opérations est usé, tellement j’ai fait les 100 pas.

« Monsieur, il faudrait aller enregistrer votre épouse à l’administration. » Saleté d’administration!

Trois quart d’heure plus tard, mon fils sort des 2 grandes portes avec une kyrielle d’infirmières autour de lui et 2 médecins en arrière. Les visages sont moroses, ça ne présage rien de bon. Pas étonnant son petit cœur battait a 40-50 pulsations minute (la norme est entre 120-150, pour les nouveaux nés).

Et ma femme?

Les 2 pédiatres commencent à m’informer de la situation de mon fils Hugolin, je suis fatigué mais sur l’adrénaline, il est environ 12:45 am, mais j’essaie d’être le plus attentif possible, je ne veux rien manquer de leurs paroles, c’est mon premier enfant. On va dans le département de néonatalogie, il est dans un caisson en verre avec des tuyaux et des fils de partout. Il ne respire pas tout seul, une infirmière l’aide pour ça.

Et ma femme?

Les portes de néonatalogie s’ouvrent et on arrive dans la chambre 27. Marie, la pédiatre, continue à me donner des informations, j’en perds des bouts, j’ai les idées brouillées.

Mais dans tout ça, ou est ma femme?

Une infirmière vient me voir, se présente et me dit qu’elle va s’occuper de mon fils pour la nuit. Il est calme et tranquille, j’ai espoir, il est bien entouré et entre de très bonnes mains.

« Docteurs, est ce que je peux aller auprès de ma femme? »

Retour dans le département d’accouchement, Tala, ma femme, n’est toujours pas sortie, ça fait tout de même 1h30 qu’elle est la dedans. Les infirmières n’ont pas d’informations, je retourne vers la salle de réveil, je croise l’obstétricien je lui demande des nouvelles. La patience est une vertu pour les médecins, je lui ai posé 4 fois les mêmes questions, et il a pris le temps de me répondre. « Monsieur, j’ai sorti votre fils en 1 minutes 30, il y avait un décollement majeure (90%) du placenta. », coup de massue sur la tête, à 2h du matin c’est 2 fois plus assomment. « Elle ne devrait pas tarder à sortir, ils sont en train de la recoudre. » J’attends dans la salle de réveil, et je ressors user les dalles du couloir.

Les minutes sont longues et angoissantes, jusqu’à ce que Tala sorte par les mêmes portes par lesquelles Hugolin est sortie. Elle est vivante! Toute endolorie par l’anesthésie générale, son attention n’est pas totale. Les questions fusent : « Est-ce qu’il respire? Est-ce que son cœur bat bien? Est-ce qu’il a une tête d’Hugo? » Pas facile de donner le tableau général à la mère de son enfant. Par crainte de sa réaction, puis finalement, il va bien falloir lui dire, elle doit savoir.
« – Il respire avec une machine, mais son cœur bat seul.
– Ho, c’est pas bon ça! Mais est ce qu’il a une tête d’Hugo?
– Oui ma chérie, c’est un Hugolin! »
La fatigue est importante, les médicaments l’endorment, on la transfert dans sa chambre, j’ai mon canapé à côté de son lit.
« Tala, je retourne auprès d’Hugolin, puis je reviens »
Retour dans la chambre de mon fils, il est passé de la ventilation d’urgence à la ventilation conventionnelle, je savais bien qu’il était entre de bonnes mains!!!! Les 2 médecins pédiatres sont là, ils me redonnent des nouvelles, rien à vraiment changé, elles ont demandés un électro encéphalogramme pour le matin, mais les espoirs sont minces.
« Docteur, est ce qu’il souffre?
– Non, il est sous morphine, et si jamais on voit des signes de souffrances on augmente »
Il dort comme un bébé, le chanceux, la fatigue me gagne de plus en plus.

Je retourne à la chambre de Tala pour lui donner le tableau un peu plus précis, je suis accompagné des 2 pédiatres, heureusement je n’aurais pas pu. On arrive dans la chambre, je me place sur un bord les médecins en face de moi à côté de Tala.
« – Ho, c’est pas bon ça! »
Marie explique à Tala la condition de notre fils, c’est pas bon, Tala n’arrive pas à avoir d’expression de ses émotions, la morphine l’en empêche. C’est moi qui craque, et elle qui me soutient.
On est la tous les deux dans sa chambre, il est 3h30 du matin, la fatigue nous gagne de plus en plus. Les appels de ma famille en France commencent à arriver. Mes parents sont sous le choc, leur 7 ème petit enfant est en position critique et ils sont loin. Ma belle-famille et les amis proches suivent au petit matin.

Il est 9h, j’ai eu le temps de faire un aller-retour à la maison pour prendre une douche et ramener des affaires a Tala, la jaquette bleu, c’est pas super glamour. On la met sur une chaise roulante et on file dans le service de néonat! On se lave les mains jusqu’aux coudes, on met la blouse jaune en papier et on va dans la chambre 27 au bout du couloir. Jacynthe, l’infirmière est toujours là auprès de notre Hugo, les médecins sont allez se reposer de leur dure nuit, 2 hommes ont pris le relais, leur accessibilité est tout aussi grande que l’équipe de nuit, un bonheur dans les circonstances.

Tala voit Hugo pour la première fois, lui caresse la main, le moment est rempli d’émotions en tout genre, de notre part à tous les 2.
Le reste va s’enchainer tout au long de la journée. La déclaration de naissance à remplir, l’arrivée de ma belle-famille, les appels avec mes frères, nos amis, retour auprès d’Hugolin, la massue qui enfonce le clou jusqu’au bout : l’encéphalogramme est plat, Hugo est en mort cérébrale, il n’y a plus aucun espoir.

Quoi dire, quoi faire? Ma femme a été coupée dans sa chaire au petit matin, et maintenant dans son cœur! Et moi? Il faut rester fort pour elle, il faut la supporter et s’occuper d’Hugolin. Les médecins me prennent à part, Tala est avec son père et son fils.
« Monsieur, je pense que vous avez compris qu’il n’y avait plus d’espoir, donc nous allons déplacer Hugolin dans une plus grand chambre, dans la section palliatif (fin de vie), afin que toute votre famille puisse être là en même temps, autour de vous trois. On le déplacera quand vous serez prêt. »

La fatigue nous gagne tous les deux et a raison de nous, nous laissons notre place auprès de notre fils à ma belle-famille, on peut y être que 2 à la fois avant son déplacement, nous allons nous coucher. Trois quart d’heure de sommeil et autant d’émotion me font tomber comme une masse.

Tout le monde revient pour 18h, on a décidé de baptiser Hugolin. La famille et les amis proches qui ont pu se déplacer sont là. Hugo est dans les bras de sa mère, peau a peau. L’amour et l’incompréhension envahissent la chambre, mais le focus reste sur Hugolin. Le temps passe et chacun part, nous laissant tous les trois, avec nous même, dans un moment privilégié. Je change sa couche, je l’habille, je le prépare pour la nuit. L’infirmière d’Hugo (elle était dédiée à lui) nous a suivie et soutenue tout au long de la journée.
Il va falloir décider d’ex-tuber notre enfant premier né, le laisser partir et devenir un ange et une étoile dans le ciel. Il est 20h le soir, on décide de lui laisser 24h de vie sur Terre, donc pas avant 23h57 heure à laquelle il est né la veille. Mon frère m’appelle sur Skype (vive la technologie), on parle avec mon neuve et ma nièce, ils nous remontent le moral, ils sont là pour nous, mais qui est là pour eux, ils sont loin.

21h45 je cogne des clous, Tala est inconfortable sur sa chaise, mais il faut encore tenir avant de laisser partir Hugolin, le délivrer de son carcan et lui donner ses ailes. La fatigue est trop grand, je ne veux pas le laisser partir en étant à moitié endormie, je propose a Tala qu’on l’ex tube au matin et qu’on dorme entre temps. Tala accepte mais demande à ce que j’aille avec elle dans sa chambre. Jacynthe est de retour dans peu de temps (on l’a croisé dans le couloir quand on partait), on prévient sa consœur que l’on a pris la décision de le faire le lendemain matin et qu’on va se coucher.
« – Aucun problème, je vais prévenir le médecin, et Jacynthe va prendre le relais dans peu de temps. Si jamais il y a quelque chose qui se passe durant la nuit, on viendra vous chercher dans votre chambre. »
« Bonne nuit mon fils. »

22h30 on est pas encore au lit qu’on dort déjà. La nuit va faire du bien, on a mis le réveille pour 6h du matin. Il est 1h30 du matin, Hugolin est dans sa chambre, Jacynthe est dans la chambre de Tala, il est en train de s’effondrer, il faut y aller maintenant, il a décidé d’en faire qu’à sa tête et de prendre lui-même ses ailes. Tala part en quatrième vitesse sur sa chaise roulante avec l’infirmière, je suis quelques secondes derrière.

Tala le reprend sur elle, peau à peau, Jacynthe nous laisse un moment d’intimité avec lui. 2h15, je sors pour lui dire que nous sommes prêts pour l’ex tuber. L’inhalothérapeute vient pour lui enlever son tube qu’il a dans la bouche et nous laisse tous les trois. À 22h25 Hugolin prend 3 grandes respirations, pour finalement s’envoler dans le ciel étoilé. Il aura passé 26h de vie physique avec nous. Il nous aura fait passer par bon nombres d’émotions en si peu de temps. Du bonheur de faire de nous des parents, à l’énorme tristesse de le perdre aussi vite. Mais il l’a décidé ainsi, son arrivée et son départ précoce.

Mon fils, tu as changé ma vie a jamais, ma vision des choses et mes perspectives de l’avenir. Je n’aurais jamais pu avoir plus beau cadeau de ta part que de me faire réaliser que la vie est trop courte (c’est pas comme si je l’avais pas expérimenté moi-même avant) pour ne pas la partager avec des gens qui nous aiment et qu’on aime. Ta mère et moi sommes encore plus fort qu’avant (on se chicane toujours un peu, je te rappelle que je suis français), plus proches et plus complices. Merci à toi Hugolin de nous montrer que chaque moment doit être vécu pleinement et avec amour. Nous allons fêter tes un an pas comme la normale le voudrait, mais nous allons le faire en ton nom avec tous ceux qui veulent se joindre à nous.

Pour ses 1 an nous n’aurons pas de petite fête à la maison avec la famille et les amis. Pour ses 1 an, nous vous invitons à faire un geste qui peut faire la différence envers des enfants. Nous vous invitons à soutenir une ou plusieurs causes qui viennent en aide aux enfants, en leur faisant un don généreux, au nom d’Hugolin, mais aussi tous ces enfants qui partent trop vite. Et si vous ne savez pas à qui donnez, donner à Hugolin pour la Fondation Rêves d’Enfants

Avec Tala, nous vous remercions d’avance de votre générosité, et si vous avez des enfants, quel que soit leur âge, n’oubliez pas de les prendre régulièrement dans vos bras et de leur dire je t’aime, et s’ils sont loin, la technologie devrait pouvoir vous aider pour en faire une partie.

Victor, père orphelin et fier.

4 comments to Un père pour son fils!

  • stanislava

    Cher Victor,
    Every time I think about it – I cry deep in my heart.
    Nobody ever promised to us that when God comes with a visit it’ll be always nice, and we all know that the perfect ones go with God rather sooner than later. Our Hugo was perfect and this world was not ready for him yet. One day he will come back, if the world turns perfect or we go to him if we become perfect. One way or another, he came to ring a bell in our hearts so we all work harder to make this world perfect. And I think your idea to help other kids get their wish is one of those stones that form the foundation of the perfect world. I am in!

  • Deb Yeates

    victor, you and Tala and Hugolin are in my heart and thoughts especially today. I just read your essay and I was deeply touched. Jim and I will make a donation to honour your baby Hugolin. Thinking of you both and sending much love.
    Deb

  • Michele

    Cher Victor,
    Je suis un an plus tard, toujours sans mots avec le coeur aussi gros. J’admire ta force et ta determination.
    J’ai fait un don pour les enfants au Nepal au nom d’Hugolin.
    Je vous embrasse Tala et toi.
    Michele

    • Merci Michele,

      nous avions aussi eu l’idée pour les enfants du Népal, c’est un très beau geste, merci beaucoup.

      On vous embrasse bien fort.

      Vic

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